The Blind « braille » sur Le M.U.R de Bordeaux
Début février, Bordeaux a eu la chance de découvrir l’une des dernières créations de l’artiste The Blind, réalisées sur un immense mur, quartier des Chartrons. Cette œuvre mettait en scène un texte rédigé en braille, un graffiti géant en relief, où voyants et non-voyants devaient ensemble s’approprier l’œuvre et la comprendre. Une collaboration entre le M.U.R. un nouvel espace d’expression artistique, l’IRSA (Institution Régionale des Sourds et des Aveugles) et l’UNADEV.
Rencontre avec The Blind, seul artiste au monde qui développe un concept novateur : le graffiti pour aveugles.
Pourquoi The Blind ?
Je viens du milieu du graffiti, dans lequel je m’exprime depuis plus d’une vingtaine d’année. A l’époque on parlait de pollution visuelle, aujourd’hui, le street-art est reconnu voire encensé. Cette idée d’accessibilité m’est venue, quand j’étais ado, en visite scolaire dans un musée. Je touchais un tableau de Miro et je me suis fait sévèrement reprendre par le gardien du lieu. Je me suis alors demandé comment faisaient les aveugles pour accéder à ce pan de la culture.
J’ai donc commencé à coller des phrases en braille sur des murs en fonction du lieu où je me trouvais. J’ai par exemple écrit en gros sur la façade du Palais de Justice de Nantes : “Pas vu pas pris.”
Quelle est a été votre démarche pour la performance du M.U.R à Bordeaux ?
L’association Pôle Magnetic m’a proposé d’exposer un fresque sur le M.U.R. (Modulable, Urbain, Réactif) de Bordeaux, un espace d’expression artistique qui insuffle dans la ville un regard esthétique, poétique et culturel.
Parce que le lieu s’y prêtait – jouxtant une cour d’école- j’ai décidé de rédiger un texte en braille très parlant en collaboration avec le journaliste Brice Henry, ce texte jouait sur les mots, avec plusieurs niveaux de lecture. Autour du mot « braille », je comparais une cour de récréation à une manifestation : les enfants braillent, les manifestants braillent, le tout écrit en braille.
Pouvez-vous nous lire ce qui était écrit ? Et quels ont été les retours des visiteurs ?
On a le droit de rien faire ici !
Pas de sommation, fin de la récréation
On rit, on crie, on pleure
Pas de vrais gendarmes ni de vrais voleurs
Mais peut-être un jour de vrais chômeurs
Mauvais endroit, mauvais moment
On veut juste faire comme les grands
Faire semblant, dire non tout le temps
Et finir puni sur un banc
La plupart des non-voyants étaient ravis, car pour une fois ce sont eux qui pouvaient expliquer à leurs amis voyants ce que l’œuvre signifiait.
Avez-vous des projets pour les prochains mois ?
Je vais continuer de travailler au quotidien avec des hôpitaux, des écoles, des personnes en rupture sociale sur des ateliers graffitis ou sérigraphie.
J’expose également en ce moment dans le 13ème arrondissement de Paris, Galerie Vincent Tiercin. Et enfin, j’ai pour projet de me servir de poitrines de femmes moulées pour en faire une fresque en braille sur laquelle serait inscrit « Ne pas toucher ». Cela devrait être exposé sous peu dans une clinique qui soigne le cancer du sein.